La question du rattachement de la Loire-Atlantique à la région Bretagne est un débat qui fait suite au rattachement de ce département français à la région des Pays de la Loire lors de la création des régions administratives françaises en 1956, alors que le territoire de la Loire-Atlantique faisait partie avec les quatre autres départements de la Bretagne depuis l’an 851 du royaume puis du duché de Bretagne, devenu province de Bretagne jusqu’en 1790.
Ce découpage reste un sujet polémique dans ce département, ainsi que dans le reste de la Bretagne. Des élus de la Loire-Atlantique et des départements bretons, des mouvements politiques et des associations régionales demandent la réunification administrative des cinq départements dont la Loire-Atlantique en une seule région Bretagne.
Un peu d’Histoire
Historiquement avant le IXe siècle, Nantes n’avait rien à voir avec la Bretagne, bien au contraire, puisque la ville soutenait les francs contre l’irréductible Breton. Après huit guerres menées contre les Bretons par Louis le Pie entre 750 et 830, l’Empire du Franc reconnut que seule la pacification et l’unification de la Bretagne pouvaient faciliter un lien avec l’Empire du Franc.
Pour mener à bien cette mission, en 831 Nominoë, comte de Vannes, fut chargée de pacifier la péninsule armoricaine. C’est en l’unifiant et en prenant les comtés de Redon et de Nantes qu’il fit de la Bretagne un royaume indépendant en 851. Nominoë est surnommé depuis le XIXe siècle « Tad ar Vro », père de la patrie bretonne unifiée.
Nantes abrite le château ducal, résidences des ducs de Bretagne jusqu’en 1488, date de sa conquête par les francs. En 1532, l’union du duché de Bretagne et du Royaume de France, initiée par les deux mariages successifs d’Anne de Bretagne avec Charles VIII et Louis XII, fut scellée par la lettre de Vannes et l’Édit de Nantes.
Au XVIe siècle, parfois Nantes, parfois Rennes étaient considérées comme le siège administratif de la Bretagne, puis Rennes, qui serait définitivement dans les années 1560. Nantes gardait encore la Chambre des Comptes de Bretagne jusqu’au milieu de du XVIIIe siècle. Le Parlement de Bretagne à Rennes l’a officié jusqu’à la Révolution.
Un peu d’administration
La Révolution enlève les anciennes provinces et voit apparaître les célèbres départements, et c’est là que commence le fameux débat ! La Bretagne est divisée en 5 départements : Finistère, Côtes-du-Nord (maintenant Côtes-d’Armor en 1990), Morbihan, Ille-et-Vilaine et Loire-Inferior (aujourd’hui La Loire-Atlantique). Depuis 1848, elle a été séparée, puis réattachée, puis ré-séparée (…) de la Bretagne pour l’économie et la démographie. En 1941, sous le gouvernement de Vichy, la Loire-Atlantique est de nouveau séparée de la Bretagne. La Déélégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) a établi et ajusté la division administrative de la métropole en 1963 en reliant le département de la Loire-Atlantique dans les Pays de la Loire avec Nantes comme préfecture (qui occupe d’ailleurs l’ancienne Chambre des Comptes de Bretagne).
Étonnamment, au niveau judiciaire, Nantes dépend encore de la cour d’appel de Rennes, et au niveau religieux, le diocèse de Nantes dépend de l’archevêché de Rennes. Aujourd’hui, des entités culturelles, touristiques, maritimes et agricoles relient les 5 départements. Elle reste donc une région administrative avec 4 départements, une région historique et culturelle et une région économique avec 5 départements.
Un peu de culture
Culturellement et historiquement, nous ne pouvons pas le nier : Nantes semble bien bretonne. Ses monuments, tels que le Château des Ducs de Bretagne et la Chambre des Comptes de Bretagne ainsi que son histoire (Nominoë, Anne de Bretagne…) lui donnent ses racines bretonnes.
Nantes est également à l’origine de la célébration de Saint-Yves, reprise par la Région Bretagne en 2009 et rebaptisée « Fête de la Bretagne » (Gouel Breizh en Breton). Une école Diwan accueille 174 élèves. Beaucoup de Nantes aujourd’hui se considèrent Breton de coeur et l’affichent sur leurs plaques d’immatriculation ! La Maison de la Bretagne à Paris représente également les 5 départements en tant qu’entités culturelles bretonnes…
Quels seraient les effets d’une intégration de la Loire-Atlantique à la Bretagne administrative ?
Pour le savoir, le conseil régional de Bretagne va commander une étude d’impact sur « sur les implications et conséquences que pourrait avoir la mise en œuvre de ce rattachement. »
Le texte, voté en commission permanente le 26 septembre 2022, indique que l’étude devra analyser « les questions institutionnelles, d’aménagement, économiques et sociales, touristiques, d’éducation, d’offres culturelles, de vie démocratique. Les résultats de cette étude prospective devront présenter, de manière objective et neutre, les avantages, les inconvénients, les menaces ou les opportunités éventuelles de cette perspective sur les différents champs analysés. »
La Région demandera une consultation en 2023
Les conseillers régionaux espèrent s’appuyer sur les résultats de cette étude pour demander à l’État une « consultation » sur la réunification de la Bretagne. Selon le rapport de la commission, la demande sera faite en 2023.
Un budget de 130 000 € sera accordé au cabinet d’étude qui devra rendre ses résultats d’ici le 31 mars 2023. Le financement est porté, « à parité », par la Région Bretagne et le conseil départemental de la Loire-Atlantique.
« Nous nous félicitons de cette avancée significative et nous réjouissons que le débat, auparavant interdit sur la réunification, soit désormais ouvert », écrit dans un communiqué Mélanie Eon, vice-présidente de l’association À la bretonne, qui milite pour la réunification. L’association demande « la plus grande transparence sur la démarche et notamment la rédaction équilibrée, impartiale et complète du cahier des charges. »
Photo de couverture : Le plus grand drapeau breton au monde, déployé à Nantes, devant le Château des Ducs de Bretagne, par Valery Joncheray